ORDURE

d’après "les carnets du sous-sol" de Dostoïevski

traduit du russe par André Markowicz

une création de Laurent de Richemond

avec Laurent de Richemond, Laetitia Langlet, Nicolas Rochette

adaptation, mise en scène, création sonore : Laurent de Richemond

création lumière, régie générale : Nicolas Rochette

3, 4, 5 Juillet 2024 à 20h45

Festival Off Avignon 2024

à L'Entrepôt (1 ter boulevard Champfleury - Avignon)

accès au site internet de L'Entrepôt

Tarifs : 12€ - 8€ / Réservations : 04 90 86 30 37 / reservations@misesenscene.com

billetterie en ligne "Ticket'OFF"

première étape de création

création 2024/2025

théâtre

public adulte / à partir de 15 ans

durée : 1h15

production : Compagnie Soleil Vert / soutiens et résidences : L'Art de Vivre - Théâtre Strapontin

partenaires de production et de diffusion en cours pour la création du spectacle en 2025

Que vaut-il mieux : un bonheur bon marché, ou une souffrance qui coûte cher ?

L’écriture de Dostoïevski creuse dans l’âme humaine pour y dégager une zone infectieuse, qui comme dans le foie gras, trouve tout son intérêt dans sa propre maladie. Elle ne cherche rien à soigner, à calmer ou à masquer mais réintègre brutalement dans notre regard une vision de l’être humain qui ne se résume pas à son « humanité » !

Avec force et humour, ce spectacle met en scène un homme qui se place en toute conscience et avec jouissance contre le bien-être. Et tout en agissant volontairement contre son propre intérêt, il affirme avec une méchanceté vaniteuse, sa propre négation, se délectant du raclage de son âme, comme d’une dent creuse qu’on se rêve à vider…

Ce sont des égouts de l’âme dont il est question ici : Ils débordent et refoulent ! Et c'est cette puanteur, cette bêtise la plus crasse que l'homme voudra toujours se conserver dans le seul but de se confirmer à lui-même qu'il est encore un homme et pas une touche de piano !

Quand Laurent de Richemond m'a proposé de travailler autour des Carnets du Sous-Sol de Dostoïevski, j'ai été assez intrigué. Grand lecteur de l'auteur russe, j'avais lu ce texte très jeune mais j'étais complètement passé à côté. Je l'ai relu à la fin de l'été 2023 suite à la proposition de Laurent, et j'ai été soufflé par sa puissance et sa pertinence.

Dans ma pratique d'auteur, il m'arrive souvent de prendre une posture « d'avocat du diable » pour chercher le vrai, j'ai donc naturellement été touché par cette philosophie de la souffrance que déploie Dostoïevski. Dire à notre époque – qui prône un bien-être perpétuel et bon marché – que les hommes ont besoin de ressentir la douleur autant que le plaisir me semble absolument nécessaire. Les Carnets Du Sous-Sol est un texte qui rend du relief à notre monde dans lequel tout doit se revendiquer comme étant moralement bon pour exister. Le narrateur de ces « carnets », à contre-courant de tous, est en quête d'une vérité sans aucune concession, et j'aime les quêtes de vérité. Aussi vaines soient-elles.

Ce texte, très existentialiste, a également pour moi une portée plus politique qui traite de la nature intrinsèquement hypocrite d'une société. Il pointe du doigt la manière dont un peuple se prétend « civilisé » tout en usant de moyens sanglants « justes », contre des peuples soi-disant « barbares ». Il parle de l'amour secret des hommes pour la guerre

Bref, ce texte est important.

Pour moi, la mise en scène de Laurent cherche le « plaisir de la saleté » du texte. Elle est à la fois brute et extrêmement raffinée. On y voit un trio ambigu sur lequel de nombreux rapports sont projetés : familiaux, sexuels, dominateurs, poétiques, économiques. Pourtant, ce trio reste insaisissable de la même manière que le narrateur - qui tout en défendant la méchanceté et la mal finira par admettre qu'il ne croit en rien de ce qu'il a dit et qu'il n'a même pas réussi à être méchant.

Je dis un trio, mais c'est plutôt un homme face à un duo. Un Diogène fou qui se serait enfermé dans une cave avec un couple directement venu de la préhistoire. Laetitia Langlet et moi-même sommes principalement muets dans le spectacle face à un bavard insatiable. Nous portons, notamment par la nudité et le silence, une forme d'innocence. Pour autant, il n'y a pas d'opposition entre le duo et le narrateur, mais une forme de complicité secrète, un contrat tacite.

Le spectacle est une sorte de rituel qui pourrait se répéter depuis des années. Ce rite quotidien est la quête d'une justesse, d'une vérité qui échappe encore au narrateur. Comme dans le spectacle Suivre Quelqu'un, il y a dans ce projet une forme de chorégraphie dans l'interprétation qui se réalise par des actions très simple. Nos enjeux se déroulent principalement dans l'attention et la présence.

Nicolas Rochette - acteur dans le spectacle, créateur lumières et régisseur

témoignage